Accueil > Archives > Interview > Entretiens d’Alain Gaillard et de Didier Méné

Entretiens d’Alain Gaillard et de Didier Méné

Entretien avec Alain Gaillard, président de TECH XV : « Il y a urgence ! »


Comment réagissez-vous aux propos du président de la CCA qui juge certains secteurs de jeu sources de trop nombreuses blessures ? Estimez vous qu’il est urgent de réagir ?

Je suis entièrement favorable à ce que nous posions le problème et que nous trouvions ensemble des solutions avant qu’il ne soit trop tard. Cela fait longtemps que je vois le danger arrivé. Déjà dans les années 80 (ça ne date donc pas d’hier) des joueurs hors normes sont venus occuper les postes des lignes arrières. Sous l’impulsion de Jacques Fouroux, notamment mais aussi de l’hémisphère sud avec le phénomène Jonah Lomu. Cette tendance s’est accélérée à telle enseigne qu’aujourd’hui, avec l’évolution du rugby, deux secteurs de jeu sont aujourd’hui sous haute tension : le placage et la zone de la mêlée spontanée (le ruck). 

En quoi sont-ils dangereux ?

Ce sont deux situations de jeu où l’on identifie clairement des gestes aux conséquences graves. Pour le placage il s’agit essentiellement du placage à l’épaule sans entourer l’adversaire de ses bras, ou de se jeter dans les pieds du porteur de la balle pour le déséquilibrer. Sans oublier la traditionnelle “cravate“ qui connait encore beaucoup de succès. Cela dit parfois le porteur du ballon défie son adversaire le coude en avant, ce qui constitue aussi un acte dangereux. Globalement les sanctions ne sont pas à la hauteur de ces actes répréhensibles. Quand le législateur a voulu éradiquer le placage par retournement (dit placage cathédrale) il a brandi les cartons et à ce jour on en voit beaucoup moins.

Et pour les rucks ?

 Celui qui est en danger sur la formation d’un ruck, c’est incontestablement le gratteur, celui qui vient dans le ruck pour tenter de récupérer le ballon. Ce dernier est visé par un adversaire qui va le percuter avec son épaule ou appliquer une technique de nettoyage bien plus dangereuse. De quoi s’agit-il ? Cette technique consiste à dégager le gratteur en visant son cou, en le vrillant ; c’est en quelque sorte une clé au niveau du cou qui oblige le gratteur à se sortir immédiatement du ruck sous peine de mettre ses vertèbres cervicales en danger. Cette attitude est très rarement sanctionnée, tout comme celle qui consiste à arriver avec deux ou trois secondes de retard sur le ruck. Bref ! Il est impératif selon moi d’identifier rapidement tous ces gestes qui impactent directement et violemment la santé de nos joueurs. A la World Rugby de clarifier ces deux secteurs de jeu afin que nos arbitres aient à leur disposition, comme le souligne Didier Mené dans ces colonnes (voir interview ci-dessus), un arsenal de sanctions à la hauteur des enjeux de santé. A TECH XV nous estimons qu’il y a réellement urgence !

 


Entretien avec Didier Mené, président de la Commission Centrale des Arbitres au sein de la FFR


Vous avez réunis les arbitres du secteur pro (TOP 14, PRO D2) récemment au CNR de Marcoussis. Dans quel but ?

L’objectif était de procéder à un recadrage technique sur toutes les phases de jeu à mi saison. Sur la mêlée nous avons redit que tout ballon digéré par la troisième ligne était jouable même si la mêlée est tombée. Nous avons rappelé que les constructions de mauls après touche n’étaient pas toujours réglementaires avec des joueurs en position illicite, devant ou sur les côtés. De l’incohérence également sur les décisions vis-à-vis des contests sur les ballons hauts. Pas de nouveautés donc mais des rappels à l’ordre !

 Outre ces précisions, l’efficacité de l’arbitrage à trois a-t-il été évoqué ?

Je dirai plutôt l’arbitrage à 4 car il ne faut pas oublier le TMO. On doit avancer dans ce domaine car il y a encore des situations simples qui échappent à l’équipe de 4. Nous avons constaté que de nombreuses incompréhensions ou problèmes de communication venaient des premiers arbitres de touche, les JT1, ceux qui sont appelés à remplacer l’arbitre de centre en cas de blessure. Trop souvent ils n’assument pas leur rôle. Quant à l’arbitre vidéo, il n’a pas encore totalement trouvé sa place dans le dispositif. C’est une harmonie, un équilibre difficile à trouver je le reconnais, mais nous allons chercher à progresser en proposant des formations spécifiques et en organisant des sélections notamment pour les TMO. Notre but étant de faire monter le niveau global d’expertise.

 La Coupe du Monde 2015 approche, combien d’arbitres français sélectionnés selon vous ?

J’espère que pour la première fois dans l’histoire de cet événement la World Rugby (ancienne IRB) retiendra 2 arbitres de centre, ainsi que des arbitres de touche. Je pense à Jérôme Garcés et Romain Poite bien entendu mais je n’oublie pas Pascal Gauzère et Mathieu Raynal. A eux de faire un bon Tournoi des 6 Nations. Quoi qu’il en soit nous avons au plan international un quatuor homogène et capable d’évoluer au plus haut niveau, sans compter Alexandre Ruiz qui postule déjà. 

Le débat sur les nombreux blessés dans le rugby semble être à nouveau d’actualité. Comment réagissez-vous sur ce dossier qui préoccupe l’ensemble des acteurs ?

D’abord en disant que la sécurité du joueur constitue la mission prioritaire de l’arbitre. C’est dire si nous nous sentons concernés par le problème. Dire aussi que ce ne sont pas les arbitres qui écrivent les règles et qu’à ce titre, nous estimons par exemple insuffisant, l’arsenal de sanctions mis à notre disposition pour arbitrer les zones de ruck. C’est donc au législateur de clarifier ce secteur de jeu en étant plus précis sur les déblayages. Nous allons prendre l’initiative, après le Tournoi, de constituer un groupe de travail autour de la DTNA et de la DTN, TECH XV, PROVALE ainsi que la LNR afin de faire des propositions à la World Rugby dans ce domaine de la santé et la sécurité du joueur sur les zones de ruck, entre autres. 

Un mot pour terminer sur l’opération Autour des Arbitres qui a déjà visité 23 clubs pro.

Le constat est simple : les clubs de PRO D2 sont plus sensibles à cette initiative. Ils semblent plus curieux et plus enclins à échanger que dans le TOP 14. En résumé, notre démarche est mieux accueillie. Je dois avouer que je suis très déçu par le peu d’intérêt manifesté par certains clubs du TOP 14 envers cette manifestation qui se veut avant tout pédagogique. Mais cela doit d’une certaine manière refléter le rapport qu’ils entretiennent avec l’arbitrage, qui ne les intéresse bien souvent et malheureusement que les soirs de défaite.